Afrique : Sans égalité des sexes, la construction d'un avenir meilleur est vouée à l’échec

Il reste au monde moins d'une décennie pour atteindre l'objectif de développement durable (ODD) 5 relatif à l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes, mais le travail doit encore se traduire par des actions concrètes sur le terrain. Compte tenu de ses retombées sur toute la sphère du développement, la réalisation de cet objectif est reconnue comme une solution durable pour que l’Afrique relève les plus grands défis qui se posent à elle et considérée comme faisant partie intégrante de la réalisation de chacun des 17 ODD ainsi que des aspirations portées par l'Agenda 2063 de l'Union africaine.
Des données récentes de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) sur les progrès accomplis en termes de mise en œuvre des ODD en Afrique montrent que la plupart des pays ne sont pas sur la bonne voie pour atteindre les cibles fixées pour l’ensemble des objectifs d'ici à 2030, et que c’est d’autant plus le cas pour les cibles de l'ODD 5. Par conséquent, le temps presse.
Au cours des dernières décennies, les 54 États membres de l’Union africaine ont fait des progrès considérables en termes d’avancées sociales, économiques et politiques. Par exemple, moins de femmes meurent en couches et des millions de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté. Dans la sphère politique, des efforts substantiels ont été entrepris pour accroître la participation et la représentation des femmes dans les sphères de prise de décision.
Un Rapport de synthèse de l'examen régional africain 2015-2019 révèle que 13 pays d'Afrique avaient atteint, en 2019, l'objectif d’au moins 30 % de femmes élues au parlement, conformément à l’objectif fixé dans la Déclaration et le Programme d'action de Pékin. Ces avancées sont le résultat de l’intégration par les pays des ODD, entre autres instruments, dans leurs politiques et plans nationaux, conformément aux exigences de leurs normes en matière de droits fondamentaux et aux engagements qu’ils ont pris en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes.

Malgré ces progrès et ces garanties institutionnelles, un rapport de 2020 publié par la Banque africaine de développement, la CEA et ONU-Femmes a révélé que le score de l'Indice de genre en Afrique, qui mesure l'état de l'égalité des sexes dans 51 des 54 pays africains, est de 48,6 %. Ce score indique qu’il demeure d’importantes disparités entre les sexes dans des domaines essentiels du développement et qu'il reste encore beaucoup à faire pour que toutes les femmes bénéficient des mêmes droits que les hommes.
Ces disparités se sont aggravées avec la crise de la COVID-19, qui menace d’anéantir les progrès réalisés en matière d'égalité des sexes et d'autonomisation des femmes en Afrique. L'impact de la pandémie a été sévère sur l'ODD 5, car le virus a aggravé les inégalités de genre préexistantes. En outre, les restrictions mises en place sur les déplacements, l'interruption des programmes visant à mettre fin à la violence de genre, le stress induit par la COVID-19 et l'impact négatif de la crise sur les revenus des ménages ont entraîné une augmentation du nombre de signalements d’actes de violence de genre dans le monde, et notamment en Afrique.
Basé sur les données d'une enquête réalisée dans 13 pays, un rapport d'ONU-Femmes intitulé "Mesurer la pandémie de l'ombre : la violence à l'égard des femmes pendant la pandémie de COVID-19" révèle que près d'une femme sur deux a déclaré qu'elle-même ou une femme de son entourage avait subi une forme ou une autre de violence depuis le début de la pandémie de COVID-19. Dans les études novatrices qu’il a réalisées, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) a lui aussi alerté sur le fait que la pandémie pourrait entraîner, selon les estimations, 13 millions de mariages d'enfants supplémentaires en 10 ans et deux millions de cas supplémentaires de mutilations génitales féminines. La violence de genre nuit non seulement aux femmes et aux filles, mais aussi à la société dans son ensemble, compromettant ainsi toutes les chances d'atteindre aussi bien les ODD d'ici à 2030 que l'Agenda 2063.
La violence à l'égard des femmes et le manque d’opportunités dont elles bénéficient sur le continent se sont aggravés durant la pandémie de COVID-19 et à la faveur des autres crises qui affectent le continent de manière durable en raison des conflits et du changement climatique. Des efforts concertés sont nécessaires pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles, surtout à l’heure où les pays et les communautés préparent leur reconstruction et leur relèvement post-pandémique.

La Huitième Session du Forum régional africain pour le développement durable, qui s'est tenue à Kigali, en République du Rwanda, du 3 au 5 mars 2022, a offert au continent une occasion unique de mobiliser toutes les parties prenantes en vue de l’accélération des mesures visant à concrétiser l'ODD 5 d'ici à 2030. Dans cette optique, deux événements sur la mise en œuvre de l'ODD 5 en Afrique ont été organisés dans le cadre des discussions sur la COVID-19 et sur un relèvement post-pandémique plus solide. Les participants ont examiné des options et des stratégies de nature à aider les États membres de l'Union africaine à placer au cœur de leurs priorités la mise en œuvre de politiques et de programmes qui intègrent la problématique du genre et qui soient alignés sur les principes de l'ODD 5 et conformes à l'esprit de l'Agenda 2063 pour "L'Afrique que nous voulons".
Nous reconnaissons que la mise en œuvre inclusive et durable des ODD et de l'Agenda 2063 nécessite d’accroître les financements alloués aux interventions destinées à promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, notamment par la mobilisation des ressources nationales. Les deux événements précités ont d’ailleurs permis de réunir des partenaires issus de tous les secteurs - ce qui est primordial compte tenu de l’enjeu -, l’objectif étant de renforcer les collaborations sur la mise en œuvre de politiques et de programmes qui permettent à l'Afrique d’honorer ses engagements en matière d'égalité des sexes et d'autonomisation des femmes. La mise en œuvre d’interventions multipartites financées de manière adéquate permettra d'accélérer les progrès vers la réalisation de l'ODD 5, qui, à son tour, permettra de stimuler l’émergence d’opportunités sociales, économiques et politiques dans toute l'Afrique et de construire un continent plus égalitaire et plus prospère.
Comme l'a déclaré le Président de l'Union africaine et Président de la République du Sénégal, S.E. Macky Sall :
"L’Afrique ne peut se développer quand des millions de femmes et de filles continuent de subir des traitements violents, inégalitaires et discriminatoires. Il est temps de changer les choses de manière significative pour les femmes et les filles".
Cette tribune a été co-écrite par Snober Abassi (CEA), Dukaye Mergia (ONU-Femmes) et Brian Mafuso (UNFPA), sous la direction de Keiso Matashane-Marite (CEA), de Tikikel Alemu (ONU-Femmes) et de Mabingue Ngom (UNFPA). Elle a été publiée à l’origine en anglais sur le site web de la CEA le 2 mars 2022. Des photos ont été ajoutées par l’équipe du Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD) et des modifications mineures ont été apportées au texte original fin de prendre en compte la nouvelle date de publication. La traduction française a été réalisée par l'équipe du BCAD. Pour en savoir plus sur la Huitième Session du Forum régional africain pour le développement durable, cliquez ici.