Au Bénin, l’infodémie sur les vaccins anti-COVID-19 compromet le succès des campagnes de vaccination contre la poliomyélite

Au cours du 2ème semestre 2020 et du 1er trimestre 2021, 22 nouveaux cas de poliomyélite, une maladie virale potentiellement mortelle, ont été détectés au Bénin. En pleine pandémie de COVID-19, des campagnes de vaccination ont été menées pour endiguer la transmission du virus de la polio.
Prévention de la poliomyélite : des campagnes devenues difficiles à mener
"Ne venez pas chez moi. Mon enfant ne se fera pas administrer un vaccin qui pourrait le tuer !", a lancé avec véhémence une mère, dans une langue béninoise locale, en voyant arriver chez elle des agents vaccinateurs.
Ce genre de scène s’est souvent produit lors des campagnes de vaccination déployées au Bénin, en 2021, pour protéger la population contre la poliomyélite dans les communes touchées par le virus.
En cause, l’infodémie sur la COVID-19, qui a généré la méfiance de la population à l’égard des vaccins et perturbé sérieusement les campagnes de vaccination contre la poliomyélite, une maladie pourtant contagieuse et très dangereuse qui, avant l’ère vaccinale, touchait plus de 600.000 enfants par an dans le monde.
Le virus de la polio pénètre dans l’organisme par l’ingestion d'eau souillée ou d’aliments contaminés par les selles, ou via des contacts avec une personne infectée. Il s’attaque au système nerveux et peut entraîner, en quelques heures, notamment chez les enfants, des paralysies irréversibles. Or, cette maladie peut être prévenue par la vaccination.

"Non […], nous menons une campagne de vaccination contre la polio pour protéger les enfants et leur éviter de souffrir de handicaps plus tard", a répondu calmement l’agent vaccinateur à la mère qui refusait catégoriquement de faire vacciner son enfant.
Au Bénin, les agents chargés de vacciner les enfants âgés de de 0 à 59 mois contre la polio doivent faire preuve de beaucoup de patience et de pédagogie. Ils consacrent beaucoup de temps sur le terrain à convaincre les familles de la nécessité de faire vacciner leurs enfants.
"Vous préférez que votre enfant se retrouve handicapé parce que vous aurez refusé de le faire vacciner ?", a renchéri un autre agent, courtoisement.
La sérénité des agents a fini par porter ses fruits : après 30 minutes de discussion, ils sont parvenus à démontrer à la mère de l’enfant que les informations dont elle disposait étaient fausses et que le vaccin anti-COVID-19 n’avait rien à voir avec celui de la poliomyélite. Rassurée, la mère a fini par donner son accord pour la vaccination de son enfant.
"Depuis que j’interviens en tant qu’agent vaccinateur, je n’ai jamais constaté autant de résistance et de réticence chez les parents. Il y a une confusion entre le vaccin de la poliomyélite et celui de la COVID-19. Même les parents qui acceptaient avant de faire vacciner leurs enfants refusent désormais de le faire parce qu’ils croient que c’est le vaccin de la COVID-19 qu’on vient administrer à leurs enfants", déplore Ester*, épuisé par une campagne menée sous un soleil de plomb, mais pas découragé.
Rassurer et prendre en charge gratuitement en cas d’effet post-vaccinal indésirable
"Chaque enfant vacciné qui présente des maux de tête, de la fièvre, ou tout autre signe lié au vaccin de la poliomyélite est pris en charge gratuitement dans nos centres de santé publics", rassure la Dre Josiane Azé, Cheffe du Service départemental de la santé publique de la Direction départementale de la santé du littoral.

"Notre déplacement a pour but, d’abord, d’encourager les agents vaccinateurs qui travaillent sous la pluie, le soleil et qui font face à divers autres défis sur le terrain", a déclaré M. Salvator Niyonzima, le Coordonnateur Résident des Nations Unies au Bénin, lors d’un déplacement sur le terrain effectué en compagnie de Mme Djanabou Mahondé, Représentante du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), du Dr. Djingarey Harouna Mamoudou, Représentant par intérim de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de cadres du Ministère béninois de la Santé.
En se rendant auprès des ménages des quartiers Fifadji et Zogbo, dans des centres de vaccination, ainsi que sur le marché Saint Michel de Cotonou en compagnie d’équipes de vaccinateurs, la délégation a pu constater par elle-même que le doute et la réticence de la population vis-à-vis du vaccin contre la poliomyélite étaient tenaces.
"C’est important de voir chaque enfant recevoir son vaccin. Je demande à chaque parent qui accepte de faire vacciner son enfant d’être vecteur de sensibilisation auprès de ses pairs pour que personne ne soit laissé de côté", a exhorté Mme Mahondé, de l’UNICEF.
Le rôle actif des organismes de l’ONU dans la lutte contre la polio au Bénin
En tout, trois campagnes de vaccination contre la polio ont été menées en 2021 : la première du 7 au 9 mai, la seconde du 28 au 30 mai et la troisième, qui devait permettre d’atteindre un niveau d’immunité collective suffisant pour interrompre la transmission du virus, du 22 au 24 septembre.
Dans le cadre des campagnes de ce type destinées à éradiquer le virus de la polio, l'OMS fournit un appui technique (formations, surveillance de la préparation des vaccins et des taux d’administration, conduite d’enquêtes sur la qualité des lots, etc.). De son côté, l’UNICEF finance la logistique des campagnes, gère les stocks de vaccins et mène des activités de communication et de sensibilisation (élaboration et diffusion de messages sur les chaînes de radio et de télévision, mobilisation d’agents communautaires lors d’opérations de porte-à-porte avant et pendant les campagnes, etc.).

Parce que la communication est capitale dans ce domaine, l’ONU au Bénin collabore avec Radio Bénin Alafia, une radio du service public qui couvre tout le territoire et émet exclusivement dans les 18 langues nationales du pays. Radio Bénin Alafia diffuse quotidiennement des messages destinés à sensibiliser les familles à la vaccination des enfants contre la polio, à les informer sur le danger que représentent les fausses informations et à les aider à surmonter leur réticence vis-à-vis de la vaccination.
Le monde n’a jamais été aussi près d’atteindre l’objectif d’éradication de la poliomyélite, mais des milliers d’enfants restent en danger tant que le virus circule. Au Bénin, comme dans d’autres pays, la persévérance et la vigilance sont donc de mise et, pour le Coordonnateur résident Salvator Niyonzima :
"La lutte contre la COVID-19 ne doit pas nous empêcher de poursuivre les autres activités de vaccination pour la protection des enfants du Bénin. C’est l’avenir et la relève du Bénin qui sont en jeu".
*Nom d’emprunt utilisé pour protéger l’identité de l’agent.
La version originale de cet article a été produite par François Agossou (OMS), Reine David-Gnahoui (UNICEF) et Yézaël Adoukonou (Bureau du coordonnateur résident des Nations Unies au Bénin) et publiée sur le site de l’ONU au Bénin. La présente adaptation a été réalisée par le Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD). Pour en savoir plus sur l’action menée par l’ONU au Bénin, consultez le site https://benin.un.org/fr.














