Une nouvelle étude de l’ONU révèle que les discours de haine au Costa Rica ont progressé de 71 %

Selon une deuxième étude sur les discours de haine et la discrimination réalisée par l'équipe de l’ONU au Costa Rica, bien qu'il y ait eu une progression globale des discours de haine au Costa Rica, certains groupes de la population sont plus ciblés que d'autres par ces discours.
Ces dernières années, les discours de haine, la stigmatisation et les récits discriminatoires ont commencé à faire surface sur les réseaux sociaux et ailleurs, créant des divisions de plus en plus marquées et une atmosphère de plus en plus toxique dans le pays. Les discours de haine et la discrimination ont progressé de 71 %.

La nouvelle enquête sur les discours de haine et les réseaux sociaux au Costa Rica 2021-2022 a été réalisée par l'équipe de l'ONU au Costa Rica en collaboration avec l'Observatoire de la communication numérique du Centre de recherche sur la communication de l'Université du Costa Rica, et avec COES, une société spécialisée en analyse de données.
En s'appuyant sur le potentiel des outils d'écoute des réseaux sociaux basés sur l'intelligence artificielle tels que comme Metrix Bi ou Sprout Social, l'analyse réalisée a permis d’identifier plus de 937.000 conversations contenant des discours de haine et de discrimination à partir de profils et de pages publiques sur Facebook et Twitter.
L'étude a montré que les auteurs de 77 % des messages analysés avaient l'intention explicite d'offenser, d'attaquer ou de porter atteinte à d'autres groupes ou personnes, ce qui représente une hausse de 8 % par rapport à la période précédente. Il a également été observé que les hommes étaient à l'origine de 64 % de tous les messages de haine et de discrimination.

Ces résultats ont non seulement révélé la forte prévalence des discours de haine en ligne et permis de comprendre les mécanismes qui les sous-tendent, mais ils ont également permis de définir les principaux axes de travail autour desquels s’articule le nouveau Plan costaricien de lutte contre les discours de haine et la discrimination, une initiative nationale visant à lutter contre les discours de haine et à sensibiliser et informer la population sur cette question.
Ces partenariats novateurs ont déjà débouché sur des mesures concrètes telles que la création du premier observatoire national sur les discours de haine et la discrimination dans la région (avec l'Université du Costa Rica), ou encore le lancement d'une campagne nationale visant à sensibiliser le public aux questions relatives à l'inclusion, au respect de la diversité et à la lutte contre la haine et la discrimination. De nombreuses autres initiatives de ce type restent encore à mettre en œuvre.

Bien que certains groupes de population ne figurent pas parmi les cibles les plus fréquentes des discours de haine sur les réseaux sociaux, la progression des discours de haine et de discrimination proférés à leur encontre depuis un an est alarmante. C’est le cas, par exemple, des personnes handicapées.
Cette enquête s'inscrit dans le cadre du Plan costaricien de lutte contre les discours de haine et la discrimination présenté en 2021 par l'ONU avec le soutien de différents acteurs : gouvernement, société civile, monde universitaire et personnes engagées sur cette question.
Allegra Baiocchi, la Coordonnatrice résidente de l'ONU au Costa Rica, insiste sur le fait qu'il est essentiel de comprendre l’évolution des discours de haine et de discrimination, mais aussi de trouver des solutions pour protéger les personnes le plus concernées par ces discours.
L'analyse par zones a permis de dégager des tendances liées à différents thèmes, ce qui permettra, selon l'ONU, d'établir des stratégies d'action différenciées :
- Politique et élections : 350.000 conversations à caractère haineux ou discriminatoire ont été détectées en rapport avec ce thème. Les attaques contre des candidats ou des partis représentent 79% du total des conversations identifiées. Les attaques formulées à l’encontre de personnes en raison de leur positionnement idéologique ou politique représentent 21 % du total. La couverture médiatique des événements politiques déclenche ce type de discours (débats, publications sur les réseaux) et 29 % de toutes les conversations politiques analysées comportent des messages négatifs à l’encontre des médias : le manque de transparence et la diffusion d’informations biaisées figurent parmi les principaux éléments dénoncés.
- L'orientation sexuelle : Près de 143.000 messages à caractère haineux ou discriminatoire ont été identifiés sur ce thème. On observe une normalisation des termes offensants dans cette catégorie. Les discours haineux et de discrimination à l’encontre des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes représentent 89 % du total des messages analysés. Ce type de messages se propage à la faveur de politiques qui promeuvent la diversité. Les auteurs de ces messages critiquent les gouvernements qui "donnent la priorité à ces questions au détriment d'autres qu’ils considèrent plus importantes". Certains messages soutenant les programmes de défense des droits en des termes agressifs et offensifs ont également été repérés.
. - Questions de genre : Plus de 125.000 conversations à caractère haineux ou discriminatoire ont été repérées sur la question du genre. Ce type de conversations a progressé de manière significative entre février et mai, à la faveur des élections de 2022. Ces dernières semaines, la couverture de l'affaire Johnny Depp contre Amber Heard a suscité beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux. De fortes attaques ont été formulées à l’endroit de celles et ceux qui défendent le féminisme, l'égalité des sexes et les droits des femmes. Une certaine agressivité est également observée dans les messages dont les auteurs défendent des positions favorables aux droits de l'homme.
- Messages xénophobes : Plus de 112.000 conversations à caractère haineux ou discriminatoire au sujet des étrangers ont été repérées. Les Nicaraguayens sont le groupe de population le plus ciblé par ces messages. Les auteurs de ces messages dénoncent le fait que les populations migrantes ont accès aux services de santé et d’aide sociale. De même, les auteurs de certains de ces messages établissent un lien entre les migrants à la criminalité. Des expressions non directes telles que "cuento chino" (mot argotique signifiant "mensonge" en espagnol) associent les personnes d'un certain groupe ethnique à des idées négatives et dégradantes. Par ailleurs, des expressions telles que "Je ne suis pas xénophobe, mais..." sont fréquemment utilisées.
- Choc générationnel : Environ 92.000 messages à caractère haineux ou discriminatoire ont été postés qui révèlent un choc générationnel, nourri par deux questions politiques : la situation socio-économique et les droits de l'homme. Les jeunes ont tendance à être davantage préoccupés par la question des droits de l'homme, tandis que les populations plus âgées sont davantage préoccupées par les questions liées à la relance économique, qui sont elles aussi une source de confrontation. Les personnes âgées expriment l’idée selon laquelle "les jeunes exigeraient des privilèges qu’eux n'avaient pas auparavant". Les jeunes, quant à eux, affirment que "la responsabilité de la situation actuelle incomberait aux générations plus âgées". L'utilisation de termes comme "boomer", "roco" (des termes péjoratifs pour désigner les personnes âgées en espagnol), ou encore "vieux" a été repérée grâce à l’analyse de ces messages.
- Religion : Environ 5.000 messages à caractère haineux ou discriminatoire ont été détectés en rapport avec la religion. Les messages semblent relier la religion à la politique. L'idée persiste selon laquelle la religion ne devrait pas être mêlée à la politique. Dans 82 % des messages, le terme "pandereta" (terme argotique désignant "une personne très emprunte de religion ou très croyante", en espagnol) a été utilisé, et dans 7 % des messages, c’est le terme "athée" qui a été employé. Il a en outre été observé que les auteurs de ces messages ont souvent utilisé des expressions telles que "Si tu crois en Dieu, tu ne peux pas penser et agir de cette façon" ou des mots comme "pandereta", ""athée", "corrompu" ou "dégoûtant".
- Racisme : Environ 34.000 messages à caractère haineux ou discriminatoire ont été détectés en rapport avec cette question. Des attaques contre les influenceurs et influenceuses qui défendent les droits de l'homme ont été identifiées, dénonçant le fait que "désormais, tout est racisme". Le nombre de conversations de cette nature augmente lorsque les médias publient des articles sur les personnes d’ascendance africaine. Bien que des expressions telles que "Travailler comme un Noir" persistent, on constate une régression des expressions familières discriminatoires. Des messages ont également été repérés qui associent la criminalité à la province de Limon et aux personnes d'ascendance africaine.
- Handicap : Environ 26.000 conversations à caractère haineux ou discriminatoire ont été identifiées en rapport avec les questions de handicap. Des termes péjoratifs désignant des personnes vivant avec un handicap, tels que "attardé", sont employés pour insulter ou désigner une personne qui commet une erreur, même lorsqu’il s’agit de soi-même. L'expression "Il a l’air d’avoir un handicap" est une des phrases utilisées pour critiquer les personnes en question. En ce qui concerne les questions de santé mentale, on remarque que les internautes emploient des termes tels que "bipolaire" pour discréditer ou injurier un individu.
Comme mentionné plus haut, cette enquête est la deuxième du genre produite par l’ONU au Costa Rica. Pour identifier les messages analysés dans cette enquête - plus de 937.000 messages en tout -, des groupes de mots ont été repérés dans des profils publics et des pages Facebook et Twitter, structurés par thèmes par un logiciel d’intelligence artificielle, géolocalisés, puis classés par âge et par sexe. Par la suite, les informations recueillies ont été traitées par d'autres outils informatiques et visualisées sous la forme de graphiques. La période couverte par cette enquête est comprise entre le 1er mai et le 15 juin 2022.
Mobiliser toutes les forces pour mettre fin aux discours de haine
L'ONU au Costa Rica et le barreau costaricien ont également présenté un guide juridique dont l’objectif est d’aider à prévenir et à éradiquer les discours de haine et la discrimination. Ce guide s’appuie sur les lois nationales et les principes démocratiques. Il est organisé sous la forme de brefs chapitres présentant des informations accessibles et proposant un éventail de mesures à mettre en place dans les domaines de la recherche académique, de l'application de lois, des mécanismes de protection des droits de l'homme, entre autres.
L’élaboration de ce guide s’inscrit dans le cadre du Plan costaricien de lutte contre les discours de haine et la discrimination présenté en 2021 par l'ONU. Il couvre au moins 8 domaines d'intervention. Il a été élaboré dans le cadre d'un travail réalisé conjointement par des acteurs du monde universitaire, des organisations de la société civile, des organismes professionnels, des représentants du gouvernement et l'ONU.
Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter Danilo Mora, Responsable de la communication et du plaidoyer à l’ONU Costa Rica. Téléphone : 506 8834 3028 ; Courriel : danilo.mora@one.un.org.
Cet article est l’adaptation d’un communiqué de presse écrit à l’origine en espagnol. Il a été produit avec l’appui éditorial du Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD) et traduit en français par le BCAD. Le BCAD remercie l'équipe de l’ONU au Costa Rica pour les informations et documents qu’elle lui a fournis.
Pour en savoir plus sur l’action menée par l'ONU au Costa Rica, consultez le site CostaRica.UN.org. Pour connaître les résultats de notre travail dans ce domaine et dans d’autres, lisez cette rubrique du Rapport 2022 de la Présidente du GNUDD sur le BCAD.














