Pacifique : Renforcer les services de santé mentale pendant la pandémie de COVID-19 et au-delà

C'était un jour particulier sur l'île d'Abemama. Les responsables locaux se réunissaient dans le "maneaba", la salle de réunion que l’on trouve au cœur de chaque commune de Kiribati, petit pays insulaire du Pacifique central. Ce jour-là, l’agent de santé primaire Tekinano Karereiti animait un débat sur la santé mentale dans le maneaba. Le dialogue communautaire - qui consiste à s'écouter et à discuter de questions importantes - est une pratique profondément ancrée dans l'histoire et la culture des îles du Pacifique.
"La santé mentale est un problème à Kiribati à cause de la stigmatisation. Les gens ne comprennent pas. Ils pensent que la santé mentale est un problème spirituel et qu'elle doit être traitée par la magie", explique Tekinano.
La session animée par Tekinano a porté sur les moyens à mettre en œuvre pour prévenir les maladies mentales et veiller à son propre bien-être et à celui des autres, ainsi que sur ce que les responsables locaux peuvent faire pour identifier et orienter les personnes qui ont besoin d'aide vers l'équipe chargée des soins de santé mentale de l'île principale de South Tarawa. Les membres des communautés locales jouent un rôle central dans l'amélioration de la compréhension et de la prise en charge des problèmes de santé mentale dans le pays.
Kiribati, pays d’un peu plus de 119.000 habitants, fait face à d’importants défis, dont la pandémie de COVID-19 et le changement climatique. Le contrôle strict des entrées sur le territoire national et les mesures mises en place pour réduire le risque de transmission locale de la COVID-19 ont entraîné des pertes de revenus et des séparations douloureuses au sein des familles.
L'élévation du niveau de la mer due au changement climatique a entraîné une hausse de la fréquence des inondations, ce qui signifie que les quelques plantes comestibles qui poussent sur l'atoll meurent et que les puits d'eau potable deviennent salés. Cela entraîne des pénuries de nourriture et d'eau sur les îles périphériques qui obligent les populations à se déplacer vers l'île principale, exacerbant les problèmes de surpeuplement et les difficultés économiques.

La réunion organisée au village, sur l'île d'Abemama, s’inscrit dans le cadre d’une série de sessions et de formations axées sur la santé mentale organisées par le ministère de la Santé de Kiribati sur la base du Programme d'action de l'OMS "Combler les lacunes en santé mentale" ("Mental health gap action", en anglais, ou mhGAP). Ces sessions et formations ont pu voir le jour grâce au travail de la Division de l’appui technique de l'OMS pour le Pacifique, qui a mis en place un cours de Formation des formateurs sur le programme de comblement des lacunes en santé mentale. L’organisation de ces sessions a bénéficié du soutien du Partenariat pour la couverture universelle des soins de santé.
Tekinano Karereiti est l'un des sept professionnels de santé mentale de Kiribati qui ont suivi le cours de Formation des formateurs sur le programme de comblement des lacunes en santé mentale. Le cours a été dispensé en ligne de décembre 2020 à mars 2021. Les participants ont depuis formé près de 200 infirmières, aides-soignantes, policiers, agents chargés de la sécurité dans les villages, membres de l'église et autres personnels travaillant dans les écoles à l'identification et à la prise en charge des cas relevant de la santé mentale, tant sur l'île principale que sur trois îles périphériques de Kiribati.
"Nous pensons que ce travail aide les communautés à venir chercher de l'aide rapidement et à en connaître davantage sur la santé mentale", a déclaré la Dre Arite Katherine, Cheffe du département de santé mentale de l'hôpital central de Tungaru, à South Tarawa.
À la suite de ces formations, le ministère de la Santé a constaté que le nombre de personnes souffrant de maladies mentales chroniques orientées vers le service de santé mentale de l'hôpital central de Tanguru avait diminué. Pour l'avenir, l'équipe chargée de la santé mentale prévoit de continuer à renforcer la résilience des communautés pour favoriser la santé mentale des personnes.

Appui de l'OMS sur la question de la santé mentale dans le Pacifique
L'OMS, par le biais du Partenariat pour la couverture universelle des soins de santé, aide les ministères de la Santé de 21 pays et zones insulaires du Pacifique à renforcer la dispensation de soins de santé mentale, un appui qui s’est avéré particulièrement précieux pendant la pandémie de COVID-19.

Tous les pays et toutes les zones insulaires du Pacifique qui ont été interrogés ont fait état de la perturbation d'un ou plusieurs de leurs services de santé mentale depuis le début de la pandémie de COVID-19 (OMS, 2020).
Les activités et services dédiés aux groupes de population vulnérables au sein des communautés ont subi le plus de perturbations pendant la pandémie. Ce fut notamment le cas des programmes de santé mentale en milieu scolaire, des interventions des aidants, des services de proximité, des services prénatals et postnatals et des services proposés aux jeunes et aux personnes âgées.
Dans les îles du Pacifique, l’appui de l'OMS à l'intégration de la santé mentale dans les soins de santé primaire se déploie traditionnellement à travers des ateliers, des formations et des consultations en face à face. Des formations régulières de remise à niveau et un travail d’encadrement et de suivi sont ensuite entrepris.
En raison de la pandémie de COVID-19, l'OMS fournit pour la première fois un appui en ligne en matière de santé mentale. Elle a notamment organisé des ateliers de formation par vidéo à Kiribati, dans les Îles Cook et dans les Îles Marshall. En outre, elle élabore actuellement trois cours de formation autodirigés en ligne en vue de les adapter aux besoins des pays insulaires du Pacifique. Par ailleurs, elle organise des webinaires mensuels de partage d'informations en ligne à l'intention des référent(e)s en matière de santé mentale, afin que les pays insulaires du Pacifique puissent apprendre les uns des autres et se soutenir mutuellement dans leur gestion des problèmes de santé mentale générés par la pandémie de COVID-19.
L’action menée par la Cellule de soutien psychosocial et en santé mentale de l'Équipe conjointe de gestion des incidents liés à la COVID-19 dans le Pacifique est pilotée par l'OMS, appuyée par le Partenariat pour la couverture universelle des soins de santé et soutenue par l'UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), ONU-Femmes, la Fédération des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et la Commission du Pacifique Sud.
Cet article a été publié à l'origine en anglais sur le site de l'OMS et sur le site du Partenariat pour la couverture universelle des soins de santé, avec le concours de nos collègues Lauren O'Connor et Dawn Gibson. La version originale a été modifiée et traduite en français par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD).
L’action de l'ONU dans le Pacifique est pilotée par trois coordonnateurs résidents et une équipe de pays conjointe rattachée à trois pôles régionaux opérant au niveau régional à partir des Fidji, de la Micronésie et des Samoa. Les pays et territoires insulaires du Pacifique rattachés au Bureau multipays pour la Micronésie sont au nombre de cinq. Il s’agit des États fédérés de Micronésie, de Kiribati, des Îles Marshall, de Nauru et des Palaos.












