L'Ouzbékistan se mobilise pour apporter une aide humanitaire à son voisin, l'Afghanistan, à un moment critique

Au début des années 1990, l'Ouzbékistan, pays d'Asie centrale doublement enclavé, venait tout juste de devenir un État indépendant de l'Union soviétique. Avec une économie fragile et un secteur industriel en développement, ce pays, qui venait de gagner son autonomie, traversait une période difficile.
Le Dr Ramiz Alakbarov, Coordonnateur résident des Nations Unies et Coordonnateur humanitaire pour l'Afghanistan, se souvient bien de cette époque : il venait tout juste de commencer sa carrière au Bureau régional pour l'Asie centrale du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Il a donc été un témoin direct des difficultés que rencontrait l’Ouzbékistan, qui développait alors son secteur de la santé et d'autres services essentiels.
"À l'époque, globalement, le contexte dans lequel se développait le pays et les difficultés qu’il rencontrait étaient très différents de la situation actuelle. Aujourd’hui, le niveau de progrès et de développement du pays est bien plus élevé".
Trente ans plus tard, au moment où le Dr Alakbarov retourne dans son pays, l'Ouzbékistan se trouve dans une position très différente : il est devenu un pourvoyeur d’aide essentiel et un partenaire majeur de l’ONU dans la réponse de l’Organisation à l'une des urgences humanitaires les plus graves que le monde connaisse actuellement.
Depuis que les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan, pays voisin de l'Ouzbékistan, en août 2021, les besoins humanitaires ont explosé dans tout le pays. 95 % de la population n'a pas assez à manger. 6,6 millions de personnes sont menacées de famine et un million d'enfants souffrent de malnutrition sévère.
Alors que de plus en plus d'Afghans sont contraints de compter sur une aide humanitaire pour survivre, l'ONU en Afghanistan, sous la direction du Dr Alakbarov et de son équipe, travaille avec les entités de l’ONU opérant dans le pays pour renforcer son dispositif d'intervention.
La coopération au niveau régional est essentielle
La coopération régionale a joué un rôle essentiel dans la réussite des interventions de l'ONU en Afghanistan, comme l'a appris le Dr Alakbarov lors d'une récente mission conjointe à Termez, dans le sud de l'Ouzbékistan, où il s’est rendu avec la Coordonnatrice résidente de l’ONU Ouzbékistan, Mme Roli Asthana, et les représentants de l'UNICEF et du HCR dans le pays.
Termez est une ville de taille relativement modeste qui compte un peu plus de 180.000 habitants mais qui joue un rôle majeur dans le déploiement des opérations de secours de l'ONU de l'autre côté de la frontière, en Afghanistan. C’est donc au Centre logistique régional d'aide humanitaire de Termez, situé à 2 km de la frontière, que les coordonnateurs résidents des deux pays se sont rendus en premier lors de cette visite conjointe.
Ce centre logistique a été créé en octobre 2021 par le HCR - l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés – avec un soutien important de la part du Gouvernement ouzbek. De par la proximité du centre avec la frontière, l’aide humanitaire peut être acheminée rapidement et facilement là où la population en a le plus besoin.

Le Représentant du HCR pour l'Afghanistan, Leonard Zulu, a expliqué à la délégation des coordonnateurs résidents à quel point l'emplacement du centre logistique de Termez était important pour la rapidité et la flexibilité des opérations d’acheminement de l’aide humanitaire.
"L’aide humanitaire que nous apportons est désormais plus proche des opérations en Afghanistan, de sorte que si un besoin se fait sentir de l’autre côté de la frontière, nous pouvons acheminer de l’aide aussi vite que possible.
Jusqu'ici, nous avons transporté 1.000 tonnes d’aide depuis ce centre, principalement vers l'Afghanistan, mais avec la crise qui a débuté récemment en Ukraine, nous consacrons une partie de nos moyens à la fourniture d’une aide humanitaire à l'Ukraine également".
Avec une capacité de stockage de plus de 9.000 mètres carrés, l'entrepôt du centre logistique abrite des rations alimentaires d'urgence, des fournitures WASH et d'autres articles de secours, notamment des matelas de couchage, des bâches, des polaires, des couvertures et des ustensiles de cuisine.
Les denrées alimentaires de base, dont la farine, sont acheminées depuis le centre de Termez vers les quatre coins de l’Afghanistan.
"Certaines vont être acheminées vers Badakhshan, via Douchanbé, au Tadjikistan, et d'autres vont être chargées directement dans des camions qui vont les transporter dans tout le nord de l'Afghanistan, à Kaboul, à Jalalabad et à Kandahar", explique Finne Lucey, Responsable de la logistique au PAM.

Unir les forces par-delà les frontières
L’importante quantité de fournitures qui entrent et sortent chaque jour du centre ne représente pas seulement un exploit logistique impressionnant. Elle témoigne aussi des forts liens de coopération que les différentes entités de l’ONU ont développés avec le Gouvernement d'Ouzbékistan.
S'adressant à ses collègues du centre de fret de Termez, le Dr Alakbarov s’est exprimé en indiquant qu’il était frappé par le niveau de collaboration qu’il a pu constater à Termez entre les entités de l’ONU et entre les deux pays.
"Voilà comment l'UNICEF, le PAM, le HCR et nos bureaux chargés de la coordination des activités unissent leurs forces par-delà des frontières pour apporter de l'aide au peuple afghan. Nous avons apporté une aide alimentaire essentielle à des millions de personnes en Afghanistan cet hiver, et nous continuerons à le faire car personne ne doit être laissé de côté."

Sans le soutien du Gouvernement d'Ouzbékistan, qui a fourni cette plateforme de fret de pointe à Termez, il ne serait pas possible de faire traverser de telles quantités de fournitures par la frontière.
"Le Gouvernement ouzbek a indiqué dès le départ qu'une de ses priorités serait de soutenir les opérations humanitaires à l'intérieur de l'Afghanistan, et c'est ce qu'il fait", explique Simon Hacker, le Chef d'équipe du Bureau de la coordonnatrice résidente des Nations Unies en Ouzbékistan, qui s’est joint à la délégation des coordonnateurs résidents des deux pays lors de la visite à Termez.
Pour le Dr Alakbarov, la solidarité qu'il a pu constater à Termez n'est pas surprenante. Se remémorant son séjour en Ouzbékistan à la fin des années 1990, il déclare :
"Même à l'époque, pendant les périodes difficiles, le peuple ouzbek était toujours accueillant. Il s'est toujours soucié de ses voisins.
Cela fait chaud au cœur de voir le niveau de développement du pays aujourd'hui, de voir cette générosité et cette attitude d’ouverture envers les Afghans, avec qui il veut partager les fruits de son développement."
Au-delà de l'aide d'urgence
L'esprit de solidarité entre l'Ouzbékistan et l'Afghanistan est fort et se manifeste au-delà de la fourniture d’une aide humanitaire d'urgence, comme les deux coordonnateurs résidents, d’abord en visite au Centre logistique régional d'aide humanitaire de Termez, ont pu le constater lors de la deuxième étape de leur mission à Termez, dans un établissement d'enseignement pour étudiants afghans.
Le Centre d’enseignement pour citoyens afghans, qui a été créé en 2017 par les Gouvernements de l'Ouzbékistan et de l'Afghanistan, propose un large éventail de formations techniques et professionnelles aux Afghans vivant à Termez.
En décembre 2021, au moment où les jeunes Afghans étaient de plus en plus nombreux à traverser la frontière pour rejoindre l'Ouzbékistan, le PNUD a conclu un partenariat avec le Centre d’enseignement pour citoyens afghans pour lancer un nouveau projet visant à offrir plus de formations aux étudiants afghans arrivés à Termez, et plus particulièrement aux jeunes et aux femmes.
Le centre offre aujourd’hui un plus large éventail d’enseignements, qui vont de la formation technique et professionnelle aux langues, en passant par les sciences humaines. Lors de leur visite au centre, les coordonnateurs résidents des deux pays se sont entretenus avec une des étudiantes actuellement inscrites dans le centre, Shekiba Samadi, 17 ans, qui est née et a grandi dans la province de Jowzjan, dans le nord de l'Afghanistan.
Sheikia étudie la langue et la littérature ouzbèkes dans ce centre depuis trois ans.
"J'aime vraiment beaucoup la lecture et la littérature. Pendant les trois dernières années de mon séjour en Ouzbékistan, je me suis bien familiarisée avec l'histoire et la culture ouzbèkes et, avec l'aide de mes professeurs, j'ai étudié des langues étrangères. Maintenant, je peux lire de la littérature et des livres en persan, en pachto, en ouzbek, en turc et en russe", confie-t-elle.

Ahmad Javid Anis est originaire de la province de Sari Pul, en Afghanistan. Lui aussi étudie l'ouzbek dans ce centre. Il a confié à M. Alakbarov qu'il avait acquis un si bon niveau dans cette langue qu'il traduit désormais divers livres ouzbeks en pachto, et qu’il a même traduit un livre écrit par le président d’Ouzbékistan.
"Mon rêve pour l’avenir est de continuer à faire des recherches sur la langue et la littérature ouzbèkes. Je veux aussi participer à l’éducation de la jeune génération dans mon pays d'origine et servir le brillant avenir de l'Afghanistan."

De retour au Bureau de pays des Nations Unies en Afghanistan à l’issue de la mission conjointe à Termez, le Dr Alakbarov s'est senti enthousiasmé par ce qu'il avait vu sur le terrain et plein d'espoir malgré les difficultés à venir.
L'Afghanistan se trouve aujourd’hui toujours à un moment critique de son histoire. L'avenir est incertain pour de nombreux Afghans, mais cette mission conjointe a montré que le peuple afghan peut se tourner vers son voisin du nord pour trouver l’aide et l’esprit de solidarité dont il a besoin en ces circonstances extraordinaires.
Avec les autres entités régionales de l’ONU et leurs partenaires, l'équipe du Coordonnateur résident en Afghanistan est plus déterminée que jamais à intensifier ses opérations et à veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte.
"Nous n'allons pas nous arrêter. Nous allons continuer à offrir notre soutien et à venir en aide à chaque famille d’Afghanistan."
Cet article a été écrit à l’origine en anglais par Iona Allan, du Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD), avec la contribution des équipes de l'ONU en Afghanistan et de l'ONU en Ouzbékistan. Traduction française réalisée par le BCAD.
Pour en savoir plus sur la réponse humanitaire de l'ONU en Afghanistan, lisez cet article.
Pour en savoir plus sur le système redynamisé des coordonnateurs résidents des Nations Unies, consultez cette rubrique du Rapport 2022 de la Présidente du GNUDD sur le BCAD.